Forme / Force
Planche n°1, 2017
Dessins, textes et collages sur vélin d’Arches 30 x 46 cm
Albert Einstein.
Cerf, grotte de Lascaux.
Eduardo Chillida, 1993.
Foudre.
Force : 1080 ; du bas latin fortia, « actes de force et de courage ». Désigne la puissance d’action physique d’un être. Vigueur, résistance, force physique, énergie. Phys. : « Cause qui déforme un corps, en modifie le mouvement. » Force vive, 1740. Forces de la nature, de l’univers, 1783.
Voir la mécanique ; science de l’équilibre des forces (statique ? direction ? vitesse ?) et des mouvements qu’elles engendrent : cinématique, dynamique. Force vive d’un corps / énergie cinétique.
Voir les lignes de forces d’un champ électrique, magnétique > flux magnétique.
Fig. : Les lignes de force d’un dessin, d’un tableau ; les axes de la composition. Force vitale : le principe actif qui sous-tendrait la vie !
« […] Je suis une force qui va ! […] Où vais-je ? Je ne sais. Mais je me sens poussé d’un souffle impétueux, d’un destin insensé. » Victor Hugo, Hernani, III, 4.
Forme : Fin xie siècle ; du latin forma, « moule », « objet moulé » > fourme, formule, fromage ! Grec morphé : forme. 1.A. (V.119) Apparence, aspect sensible, visible. Ensemble des contours d’un objet, d’un être, résultant de l’organisation de ses parties et le rendant identifiable. Configuration, contour, dehors, disposition, extérieur, figure, morpho…
« L’œuvre d’art est mesure de l’espace, elle est forme. » Henri Focillon, Vie des formes, 1934.
« Tout est forme et la vie même est une forme. » Honoré de Balzac.
Structure mobile, phénomène changeant, inconnaissable dans sa nature intime, mais identifiable sous l’impulsion d’une force cachée.
La forme naît de la force qui la fait être !
« […] la vie agit essentiellement comme créatrice de formes. La vie est forme, et la forme est le mode de la vie. » Henri Focillon, Vie des formes, 1934.
L’œuvre > un ordre, une métaphore de l’univers…
Planche entomologique : scarabées.
Alexander Calder par Ugo Mulas, 1963.
Salvador Dali par Man Ray, 1934.
Carl Andre, Copper Ribbon, 1969.
Karl Blossfeldt, Art Forms in Nature, 1928.
Planche n°2, 2017
Dessins, textes et collages sur vélin d’Arches 30 x 46 cm
Cygnus X-1. Trou noir, constellation du Cygne. Interprétation par M. Weiss, Nasa, 2014.
Ligne de force d’éjection due au mouvement de rotation du trou noir.
Arrêt sur image du film Walking/Painting tourné en 4K dans l’atelier, 2016.
Ligne de force d’attraction de la gravité due à la Terre, qui fait que ma peinture tombe au sol avec aussi un mouvement de rotation.
[Texte courant sur les deux pages]
Dans les deux cas, les différentes forces créent des formes qui se ressemblent : les forces donnent naissance aux formes.
Planche n°3, 2017
Dessins, textes et collages sur vélin d’Arches 30 x 46 cm
Branches et éclairs de formes similaires.
Claude Lévêque, J’ai rêvé d’un autre monde, 2001.
Roy Lichtenstein, Thunderbolt, 1966.
David Smith, Groupe de neuf sculptures, 1955.
Comment inventer une nouvelle morphologie dynamique qui révèle les forces de la nature à l’œuvre en les rendant visibles-palpables ? En jouant avec les forces physiques ! Voir mes Walking Painting : la trace qui s’écoule ainsi dessine une forme neuve, comme un élan, une puissance, une écriture sanguine de la nature.
Ici nouvel outil pensé pour peindre ces forces.
Radiographie de la main.
Il s’agit de rendre visible l’unité de la nature.
« Les formes sont inséparables des forces. […] Les formes ne sont-elles pas le domaine du statique et de l’infini, de l’immuable ? Les forces celui du dynamisme, de l’instable et du changement […] Mais ces formes […] n’en sont pas moins le résultat d’une action humaine ; elles ont été conçues, exécutées sous l’effet d’une impulsion, c’est-à-dire de certaines forces […]. » René Huyghe, Formes et forces, de l’atome à Rembrandt, Flammarion, 1971.
Forme : du latin médiéval forma, xiiie siècle. Philo. : sens de « principe interne d’unité des êtres ». Voir la théorie de la forme, xxe siècle, Gestalttheorie.
Arrêt sur image Force/Forme, 2016.
Je ne peins pas des formes, mais des forces invisibles, le devenir des formes !
Ou « le sang de la terre » ?
C’est comme une onde fulgurante qui déchire l’espace, je fais le choix d’une énergie en devenir constant qui circule sans début ni fin et qui anime l’espace de la vision. Elle tente de traduire les forces formatives de la nature.
Dictionnaire : Ordonnance extérieure issue d’un rythme sous-jacent. Au fig. : Modalité, manière, état dans lequel se manifeste une réalité concrète ou abstraite.
René Huyghe : Voir son concept de « connaturalité », cette « sorte de connivence entre les formes conçues par l’esprit et celles qui expliquent l’organisation de la nature ». Il s’agit d’un « accord fondamental entre les formes requises par la pensée et les formes offertes par la réalité ». Ose la mutation, la réinvention ! Pour, dans un continuum graphique, dialoguer avec les forces de l’univers.
« Les formes sont des “cicatrices” de forces et les forces vibrent dans les formes. » Maurice Merleau-Ponty, Notes de cours (1958-1961), Gallimard, 1996.
Lucio Fontana, Attesa, 5, par Ugo Mulas, 1964.
Walking Painting no 7, 2013.
Alberto Giacometti par Gordon Parks, 1951.
Alberto Giacometti, Le Chien, 1951.
Canada, photographie aérienne.
Éclairs.
Photographie aérienne.
James Turrell, East Portal, Roden Crater, 1977- ?.
Planche n°3, 2017
Dessins, textes et collages sur vélin d’Arches 30 x 46 cm
Photographie d’un collectionneur qui retrouvait des tableaux dans les arbres.
Pour Yves Bonnefoy, forme-force > « La tentation qui fait l’unité du monde. »
Walking Painting : sorte de figure, rhizome du réel, racine rampante, esquisse d’une pensée en mouvement qui peut paraître anarchique mais qui offre une profusion et distribution incessante d’événements.
« […] dont la genèse rythmique seule les fait formes. » Henri Maldiney, L’Art, l’éclair de l’être, Cerf, 1993.
J’essaie de répondre à cette idée impossible que la Grande Forme n’a pas de forme, elle a toutes les formes !
La forme est un composé intensif et fluctuant de rapport de forces, il n’y a donc rigoureusement que des forces, et les formes ne sont rien d’autre qu’un concept. Devenir des forces > Gilles Deleuze. Il dit que Paul Cézanne a œuvré par tous les moyens de la peinture à cette tâche de restitution de la sensation ! Il a cherché à « rendre visibles la force de plissement des montagnes, la force de germination de la pomme, la force thermique d’un paysage » (Francis Bacon. Logique de la sensation, La Différence, 1981).
« Léonard, […], il perçoit en dessinant les forces formatives. » Paul Valéry, Cahiers, XI, p. 199.
Planche n°5, 2017
Dessins, textes et collages sur vélin d’Arches 30 x 46 cm
Coup de foudre au-dessus de Boston.
Capter les fils de forces de la nature, de nos mémoires, de nos imaginaires…
« En ouvrant largement les yeux de l’esprit, en suivant la logique spéciale et si méconnue (sauf en art) des images, en connaissant ce qu’implique une vision, Michael Faraday comme Vinci aperçurent d’analogues liaisons, les fils des forces, les lignes de moindre résistance de l’imagination. » Paul Valéry, « Cahier de notes préliminaires » à l’Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, 1894.
« La forme ne doit jamais nulle part être considérée comme un achèvement, un résultat, une fin, mais comme une genèse, un devenir, un être ». Paul Klee, Histoire naturelle infinie.
Nils Udo, Sans titre (fissure dans une coulée de lave), 1990.
Christo, 1974.
Dans la pulsion vers la forme neuve, voir la force plastique de Nietzsche. Quand l’homme arrive à transformer son passé, à se développer hors de lui-même, à guérir et cicatriser des blessures pour refaire par lui-même des formes brisées. > Vers un mixte savoir + énergie !
« La forme fascine quand on n’a plus la force de comprendre la force en son dedans, c’est-à-dire de créer. » Jacques Derrida, 1967.
Ce couple bifide : état de tension permanent !
Photographie de paysage.
Eadweard Muybridge, The Cat in Motion, chronophotographie, 1878.
Elle est à l’origine de toute action, la force. Celle des formes s’incarne en nature et en art, en texte et en peinture. Ici, sur l’instabilité d’un rouge puissant, la force vitale d’une trace sombre, à peine sinueuse, s’accompagne de surgissements filiformes qui signalent le viol de l’espace par le geste de l’artiste. La force même de ce geste est la matrice des formes, qu’elle fait vivre.
Alain Rey