Arborescence / Allégorie

Planche n°1, 2017

Dessins, textes et collages sur vélin d’Arches 30 x 46 cm

1553 : lat. arborescens. « Qui prend forme d’arbre. » Qui prend la forme ramifiée, le port, l’apparence d’un arbre.

  • Bot. : État d’un végétal arborescent.
  • Par anal. : Forme arborescente.
  • Didact. : Graphe en arbre qui possède une racine. 1838 : Développé par subdivisions.

Diagramme, tableau, schéma, structure, plan, réseaux, architectures…

Fractal pattern [schéma fractal d’une feuille].
Al Taylor, 1989.

« Ces productions élémentaires, curieux dessins, arbres de Saturne, se forment d’abord autour d’un germe ou noyau de la nature d’une sensation… Et cette arborescence progressive et successive s’étend d’elle-même, se rencontre elle-même, s’oppose des rameaux, perd son fil, se méconnaît régulièrement comme suivant une loi. » Paul Valéry, Cahiers, Pléiade, t. 2, p. 61.

Explorer l’hybridation de deux itinéraires : Arborescence-Allégorie
Étude des forces motrices entre ces deux mots. Ça vibre ! Ça parle !

Giuseppe Penone, Le Corps d’un jardin, 2008.

1118 : lat. allegoria, d’origine grecque allegorein : « parler par figures ».
1694 : en art, désigne une représentation concrète à contenu symbolique. (Souvent abstrait pour un être animé.)
Narration ou description métaphorique dont les éléments sont cohérents et qui représente avec précision une idée générale > métaphore, mythe, symbole.
« Allégoriser », XVe siècle. Interpréter dans un sens allégorique, à la fois : objet (figure concrète) + méthode (voie à parcourir). Voie d’accès à la connaissance ?

De consanguinitatis, enluminure.
Sol LeWitt, Wall Drawing, 1968.

Allégorie : sorte de métaphore constituée par une suite de traits… Illuminée par l’ivresse ?
« L’une des formes primitives et les plus naturelles de la poésie… » Charles Baudelaire, Paradis artificiels, 1860.
Personnification d’une idée abstraite.

David Smith, Sentinel III, Bolton Landing.

Choix du couple de mots qui n’ont rien à voir pour mettre la pensée poétique, ce chant si fragile, en mouvement… Intuition, induction, tâtonnement, incertitude, début du langage ?
« Je n’ai jamais éprouvé le plaisir intellectuel que sur le plan analogique. Pour moi la seule évidence au monde est commandée par le rapport spontané, extra-lucide, insolent qui s’établit, dans certaines conditions, entre telle chose et telle autre, que le sens commun retiendrait de confronter. » André Breton, Signe ascendant, Poésie/Gallimard, 1968.

Josef Albers, Structural constellation, 1955.
Dessin d’une fenêtre à meneaux, XVe siècle.
Giovanni Bellini, L’Allégorie sacrée, 1490.

Planche n°2, 2017

Dessins, textes et collages sur vélin d’Arches 30 x 46 cm

Al Taylor, Ata, 1989.
Fabienne Verdier, Vieille souche de bois, 2007.

« Le mot parlé fait donc bien plus que de signifier intellectuellement une chose il est bien plus qu’un Nomen, il est une réalité spirituelle concrète et créatrice de formes. » Theodor Schwenk, Le Chaos sensible, Triades, 2005 (1962).
Mon idée pour ce tableau ; construire la fiction d’une fantaisie métamorphique dans la création d’une force minimale idéale. Saisir dans le relief du cobalt pur, la poussée de sève vers la lumière ! Le détour allégorique d’un enchantement qui dévoile le sens caché. Comme une petite révélation.
« La pulsion du vivant, c’est comme un effort pour révéler ce qui tombe… » Henri Bergson.

Marco Marziale, Paysage allégorique, v. 1493-1507.
Sophie Taeuber-Arp, Rising, falling, flying, 1934.

« En art, et en peinture comme en musique, il ne s’agit pas de reproduire ou d’inventer des formes, mais de capter des forces. […] La célèbre formule de Paul Klee “non pas rendre le visible, mais rendre visible” ne signifie pas autre chose. La tâche de la peinture est définie comme la tentative de rendre visibles des forces qui ne le sont pas. » Gilles Deleuze, Francis Bacon. Logique de la sensation, La Différence, 1981.

Yves Klein, L’Arbre, grande éponge bleue, 1962.
Barbara Hepworth, Square Forms, 1962.
Planche de crétacés, Paléontologie française, série 1.

Planche n°3, 2017

Dessins, textes et collages sur vélin d’Arches 30 x 46 cm

Dialogue de deux mots > pertinente improbabilité.
Illusion peut-être, car ressemblances inobservées, absurdes, superficielles, voir dérives trompeuses.
Mais n’entrave pas « le libre vol de la pensée » disait Ludwig Wittgenstein !
Tout phénomène observable peut être rendu compréhensible, intelligible, par la saisie d’une dynamique élémentaire.
Création d’un laboratoire d’exploration pour filmer sous ma table de peinture ces forces à l’œuvre du « Comment les mots vivent dans l’esprit d’un peintre ? »

Laboratoire, 2016.

Nom du laboratoire : B.A-BA, pour étudier, dans l’écoulement des mots, au travers [de] ces formes archétypales, graphes élémentaires, un premier rudiment de lecture poétique du monde.
Explorer la « pensée en mouvement » et peut-être offrir une liberté au système hiérarchique du dictionnaire et [à] son squelette qui peut paraître parfois figé. Dessiner, peindre, c’est comprendre. La forme stable n’existe pas ! Je cherche un langage poétique en fouillant dans la morphogenèse, en quête d’une expression vitaliste. La vidéo amène à une lecture du temps, avec une chronologie du geste observable, vers la captation éphémère d’une énergie créatrice toujours en devenir. Comment faire rentrer du vivant dans le dictionnaire ? En créant par ces couples de mots des contaminations, des germinations possibles, [en] faisant un petit inventaire d’un ensemble de structures mouvantes, ordonnant ainsi certaines formes du réel dans une représentation suggestive abstraite.
Vers un monde flottant…

Planche n°4, 2017

Dessins, textes et collages sur vélin d’Arches 30 x 46 cm

Paul Klee, Death for the Idea, 1915.
Neurones du cervelet.
Planche de radiographies, famille des Cichlidés, Mémoires de la Société zoologique de France (J. Pellegrin), 1904.

Deux structures mobiles. Elles obéissent à des lois distinctes, mais pourtant les différentes voies parcourues se croisent et se fécondent dans l’entre-deux.
Avec – une énergie commune
– une dynamique de gestation
– un penchant transformiste.
Étudier le principe de ramification arborescente.
Étudier le principe de l’allégorie comme métaphore continuée.
Je découvre alors des créations continues qui génèrent et libèrent des forces par poussées qui agissent constamment…

Santiago Ramon, Cervelet d’un pigeon, 1899.
Utagawa Kuniyoshi, Keyamura Rokusuke sous les chutes du Hikosan Gogen, v. 1842.
Gyula Halasz, dit Brassaï, Corail, 1932-1933.
Hans Arp, Arbre, 1924.

Écouter Perpetuum mobile, l’œuvre pour orchestre écrite par Arvo Pärt en 1963 !
On trouve aussi cette énergie mystérieuse, cette force vitale en mouvement vibratoire constant chez Johann Sebastian Bach.
Ce couple nous parle d’un monde voué à la transformation, aux changements. Deux figures archétypales de l’imaginaire.
« Les changements servent-ils à quelque chose ? À rien, si ce n’est à [conserver] l’immuable. » Ludwig Hohl.

Giuseppe Penone, Cèdre de Versailles, 2013.

Soit un modèle magique de la nature naturante avec la révélation d’une forme qui génère, dans l’esprit de celui qui regarde l’œuvre, une énergie créatrice toujours renouvelée, en devenir perpétuel.

Planche n°5, 2017

Dessins, textes et collages sur vélin d’Arches 30 x 46 cm

« Le mot lui-même dit le début des mots. Arbres, vous êtes l’Abécédaire de la Terre. » Jacques Lacarrière.

Illustration allégorique du psaume IV-3, 1790.
Piet Mondrian, L’Arbre gris, 1908.
Piet Mondrian, Arbres en fleurs, 1912.

Piet Mondrian, Composition au grand plan rouge, jaune, noir, gris et bleu, 1921.

D’une vision organique et figurative à une architecture arborescente abstraite.
Une utopie concrète qui circule, sonne comme une composition musicale par son jeu rythmique de tonalités colorées.
Un équilibre statique qui contient en lui-même une riche dynamique élémentaire > Donne à voir les mouvements de la vie par poussées de sève, image même de l’évolution cyclique de l’univers qui est aussi métaphore de la nature généreuse et féconde.
Voir géniale immobilité active !
« … dans une contemplation presque inconsciente, peu à peu s’éveilla son attention pour un sentiment jamais connu : c’était comme si, de l’intérieur de l’arbre, des vibrations presque imperceptibles avaient passé en lui. » Rainer Maria Rilke, « Communion avec la nature », Fragments.
[Trois photos de Karl Blossfeldt] > Étudier son inventaire des structures végétales.

Katsushika Hokusai, Man carrying a tree trunk, 1860.

« L’allégorie n’est souvent qu’une métaphore continuée par une suite de traits… » Antoine Albalat, L’Art d’écrire enseigné en vingt leçons, 1899.
L’interprétation infinie enrichit les sens…
Ose les transferts de champs !
« L’artiste véritablement moderne reconnaît l’abstraction dans une émotion de beauté. » Piet Mondrian, La Nouvelle Plastique dans la peinture, 1920.
Tente intuitivement, poétiquement de trouver des sens indirects.

Piet Mondrian, Broadway Bougie-Woogie, 1943.
Yves Saint-Laurent, robe Mondrian, 1966.
David Smith, 17 h’s, 1950.

Allégorise ! avec ta force d’un regard métaphorique, ce genre si spirituel qui s’ingénie à rassembler.
« Par son intuition sensible, l’artiste alors saisit le détail du réel contenu dans le jaillissement de la forme. » Emmanuel Kant.
« […] L’artiste créateur se trouve en état de générer son propre univers au moyen du langage et des mots qu’il n’utilise plus pour figurer le prétendu réel, mais pour créer de l’intérieur une autre réalité… Celle de la poésie absolue. » Novalis.

Détail d’une fresque, basilique dei Frari, Venise.
Représentation botanique d’un mûrier à papier.

Planche n°6, 2017

Dessins, textes et collages sur vélin d’Arches 30 x 46 cm

Hans Arp, Torse, 1931.

« […] Heureux exil que celui qui a cet endroit pour demeure. » Extrait d’une lettre de Jean de Salisbury à Thomas Becket, 1164.

Planche n°7, 2017

Dessins, textes et collages sur vélin d’Arches 30 x 46 cm

Henri Matisse, Algue blanche, 1947.
Karl Blossfeldt, Nicotiana rustica, 1928.
Jean Cocteau, Allégories, 1931.
Écoulement de lave.

« Vois les arbres, ils sont. » Rainer Maria Rilke, Élégies de Duino, 1923.
Une figure du vivant qui dit l’Être poétique.
Une figure de l’énergie.
En latin, le verbe arborescere : « devenir arbre. » Soit symbole de vie perpétuée et sans cesse renaissante.
> Vers la captation d’une énergie créatrice toujours en transformation renouvelée.
Une histoire de fou ! Je peins une Arborescence. J’en découvre une autre dans le séchage du relief de matière de mes pigments du sujet tracé.
La peinture tombe de mon pinceau au sol, la tâche s’écoule à nouveau, empruntant le grand fleuve d’une nouvelle arborescence, qui en elle-même, après séchage, révèle encore une arborescence. Etc.
Soit Arborescence / Allégorie, « du liquide au solide », devient comme une sorte de fractale infinie et fascinante de la vie intrinsèque de ma matière picturale.

Louise Nevelson, Night tree, 1972.
Modèle de base de croissance du professeur Horton [croquis de Fabienne Verdier].
Léonard de Vinci, « Muscles du dos », Œuvre anatomique, v. 1510.
Antony Gormley, Aperture, 2009.

En séchant, l’écoulement d’énergie prend sa forme organique > la peinture devient sculpture / relief / cartographie du réel.

Lucas Cranach l’Ancien, La Justice, 1534.
Nicolas de Staël, L’Arbre rouge, 1953.
L’atelier de David Smith.

Planche n°8, 2017

Dessins, textes et collages sur vélin d’Arches 30 x 46 cm

B.A.-BA – Tree of think (ou mes improbabilités…) > Étude du modèle corallien Corallium rubrum pour dessiner une trace de mon voyage poétique dans le dictionnaire. Rechercher une carte ? Un diagramme des affinités, comme un relevé topographique du processus de la pensée qui se développe par poussée dans le temps, en foisonnement et dans toutes les directions ! Mémoire du cheminement naturel d’une germination de mots/concepts en vue de l’essaimage ! Recherche des contaminations fécondes possibles.
Rythme-Reflet / Vide-Vibration / Voix-Vortex / Chant-Catastrophe / Dualité-Dialogue / Harmonie-Hasard / Instabilité-Ivresse / Musique-Mutation / Labyrinthe-Liberté / Esprit-Évasion / Sinueux-Sagesse / Tissage-Temps / Tectonique-Transformation / Force-Forme / Onde-Ordre / Polyphonie-Palimpseste / Joie-Jeux / Arborescence-Allégorie / Cercle-Cosmos / Univers-Un

John Cage, Lecture on Nothing, 2003.

Brice Marden, Couplet III, 1989
Martial Raysse, Tree, 1960.
Yayoi Kusama, Ascension of Polka Dots, 2006.

Se diviser et s’unir tour à tour… à l’infini.
Peut-être faut-il placer le modèle corallien dans un vortex pour traduire sa forme tridimensionnelle complexe et sortir d’une trop simple arborescence linéaire ?
Voir « Transformation continuelle » de Lamarck.

Couverts de la Renaissance, Vénétie-Dalmatie, v. 1600.

« L’arbre de la vie devrait peut-être s’appeler le corail de la vie. » Darwin’s Notebooks (1836-1844).

« Tout est semence » dixit Novalis !
Les mots surgissent et poussent l’un dans/de l’autre et toujours proches… Comme s’ils cherchaient à franchir les frontières de leurs domaines ! Voir interconnexion, interdépendance, car nés d’une sève commune ?
On trouve à chaque branche des points d’affinités, à devenir fou !

Charles Darwin, First Sketch of an Evolutionary Tree, 1837.

« I think » : son dessin comme squelette, processus de sa pensée.

Andreas Mantegna, Minerva chassant les vices du jardin de la vertu (détail), v. 1500-1502.
[manuscrit médiéval]
Coupe des deux hémisphères cérébraux.

Planche n°9, 2017

Dessins, textes et collages sur vélin d’Arches 30 x 46 cm

B.A.-BA – Tree of think > Autre version plus en « désordre », voire plus inculte presque.

Vincent Levin, 1706.

Alchemy class. The secret of Azoth, XVIe siècle.
Dendrite dans le cerveau humain.

Ainsi parle l’esquisse… Mémoire d’une germination. Buissonnement, foisonnement, plus complexe, irrégulier, broussailleux et organique. Presque un chaos hirsute !
Poussée constante des germes en progression, ramification, transformation.
Des complexités dynamiques de différents degrés d’affinités, avec différentes lignées, de branches irrégulières qui peuvent toujours créer de nouvelles unions après leurs bifurcations.
« Ce que l’homme nomme, il le recrée dans l’atmosphère, dans la mesure où son langage participe encore au grand langage originel. Tout ce qui nous entoure prend part à ces gestes primordiaux, mais l’homme seul dispose de tout l’alphabet cosmique initial. » Theodor Schwenk, Le Chaos sensible.

Le dessin comme tâtonnement, terrain d’exploration des gestations jaillissantes incessantes > Saisir les variations et mouvements convulsifs de la nature pour parler de cette force hirsute de notre imagination.
On découvre alors la lutte pour la survie d’une idée ! Modéliser l’évolution naturelle aide à chercher.
Avec les bras morts et/ou pétrifiés, c’est comme un combat entre extinction et survie des germes de pensées. La croissance est incertaine et anarchique car elle se bat contre les éléments ! Voir évolution dans toutes les directions, comme un relevé cartographique.
« Il [Dodin] vivait à la façon d’un corail en état de ravissement immobile et empourpré, parmi la complexité arborescente de ses réflexions. » Léon Daudet, Mes idées esthétiques, 1939.

Marcel Duchamp, Allégorie d’oubli, v. 1930.
Albert Schrur et Léonard de Rham, Flux Coccon (Lausanne), 2012.
Giuseppe Penone, Peau de feuilles, 2000.

Arborescence / Allégorie, 2015

Acrylique et technique mixte sur toile 24 × 17 cm

L’allégorie revêt une idée de formes vivement colorées. Elle représente. Elle parle de choses concrètes, les ramifiant en une épaisse végétation de symboles. La voici, ici ramassée et comme plissée sur elle-même, là filiforme. Elle se détache puissamment sur le vert intense du récit, réalisant ce « défaut de néant, cette atteinte à l’insensibilité » que Paul Valéry voyait en toute arborescence.

Alain Rey